Règlement de comptes : Le serpent contre le griffon [PV Lisbeth pour l'instant]

Les cours venaient juste de finir, le temps s’annonçait clément pour la soirée et la température était agréable. Le hall était donc plein d’élèves qui circulaient en groupe vers différentes parties du château en se demandant s’ils allaient sortir ou retourner à leurs salles communes, autant de microcosmes ou de meutes dans l’univers de Poudlards : les populaires, les fashions, les intellos, les ratés… Les purs, les sangs-mêlés, les sangs-de-bourbe… Chaque groupe répondant à ses codes et à ses règles. Lysander prenait habituellement un certain plaisir à voir ses masses évoluer dans cette nef de pierre mais pas cette fois ! Il n’avait qu’un seul objectif en tête : trouver Elizabeth Victoria Belle Ivy. Objectif d’autant plus important qu’il en allait du bien être de son ami Matthew qui avait été durement éprouvé ces derniers jours. Il cherchait donc dans cet océan de têtes jusqu’à enfin tomber sur le groupe de la jeune fille.

* Pas de temps à perdre alors tant pis pour les convenances ! *

Il fonça bille en tête et personne ne sembla vouloir croiser sa route, il s’immobilisa devant l’élève de Gryffondor et ne s’inclina pas poliment comme il avait coutume de le faire à chaque fois qu’il saluait quelqu’un dans les couloirs.

« Bonsoir Elisabeth, excuse moi de te déranger en pleine conversation mais il faut absolument que je te parle. Cela concerne Matthew alors tu comprendras que je ne souffrirai aucun refus de ta part. »

On ne pouvait en effet guère se tromper, il ne s’agissait pas là d’une requête mais bel et bien d’un ordre. Pour tout dire, il avait déjà la main sur sa baguette, prêt à s’en servir de manière plus impressionnante que dangereuse s’il devait forcer la main de son interlocutrice et, même si sa voix était toujours aussi claire et sa prononciation toujours aussi soignée, ses yeux étaient très différents de d’habitude pour qui le connaissait. Certes d’ordinaire ils étaient froids, un froid inerte, blasé… A ce moment aussi ils étaient froids mais d’un froid haineux, dangereux… Le genre de froid qui vous pénètre jusqu’aux os et aspire votre vie jusqu’à ne laisser de vous qu’une coquille vide. Voilà le regard qu’il adressait à Lisbeth.

Hélas pour elle, la jeune femme avait déchaîné la haine du Serpentard par son attitude avec leur ami commun. Certes, le grand blond ne l’avait pas vraiment ménagé en révélant au grand jour une blessure cachée depuis trop longtemps mais il avait espéré que devant prendre le rôle du méchant de l’histoire, la jumelle prendrait le relais pour épauler son soi disant frère. Elle n’en fit rien et Matthew devait à présent se sentir trahi et abandonné de toutes parts et Lysander savait qu’il serait incapable de le réconforter et de l’aider à avancer s’il ne se débarrassait pas de sa frustration et si Lizzie continuait à agir contre lui.

* Ose me résister et ça sera silencio suivi d’un sortilège de lévitation ! Et encore, si je décide de ne pas régler cette affaire en public histoire de bien te mettre le nez dans ta propre merde. Tu déjà de la chance que je n’ai pas décidé de régler cette affaire à grand renfort de sectum sempra ! *

Personne n’osa faire remarquer au jeune homme son attitude pour le moins cavalière, tous ceux qui avaient pu l’entendre avaient rentré la tête dans leurs épaules et détourné le regard avant de prendre une direction qui les éloignerait de lui. En fait, il émanait en ce moment de lui aura si sombre froide et agressive qu’elle justifiait à elle seule que sa famille porta le nom de De Cocytus depuis près de 20 générations.

Finalement le temps n’était pas si clément que ça, peut-être même aurait-il fallu déclarer l’avis de tempête…

Lisbeth, comme tout Gryffondor, n’avait pas su cacher son état d’esprit à son monde, et celui-ci avait essuyé son comportement de harpie mal réveillée et sa dépression chronique depuis deux jours. La moitié de ses doigts étaient encore enrubannés par des toiles cicatrisantes, victimes innocentes de sa susceptibilité à fleur de peau, conséquence directe de son baromètre de l’humeur au plus bas. Il n’y avait jamais eu que deux personnes pour réussir à l’approcher sans qu’elle ne morde suite à l’insistance de savoir de quoi il retournait pour qu’elle soit aussi renfermée sur elle-même ; mais voilà, Catherine n’était pas à l’école et Matthew l’évitait comme la peste – et ce n’était pas comme si Lisbeth avait une quelconque envie de l’approcher à son tour. Après leur rendez-vous, elle s’était senti horriblement coupable, s’était inquiété et avait regretté d’avoir agi comme cela avec lui ; en rentrant au château, elle avait pris la décision de parler franchement avec Matthew, et faire en sorte de ne pas le braquer pour qu’ils se comprennent bien et essayer de repartir sur de bonnes bases, quitte à ce qu’ils se voient moins – après tout, elle savait bien ce que c’était que de côtoyer en amitié une personne qu’on aimait d’amour sincère, elle ne désirait pas lui infliger ça. Cependant, à peine était-elle rentrée qu’elle apprit que son jumeau s’était occupé d’oublier leurs explications foireuses dans les bras de Patricia. Blessée, elle était repartie et s’était sentie terriblement humiliée – encore une fois. Elle s’était inquiétée pour rien, visiblement, et elle n’avait pas la force de s’inquiéter pour deux.

Aussi, depuis deux jours, puisque personne ne se risquait à aborder un sujet concret avec elle, elle restait empêtrée dans des sentiments pesants et dévorants, contradictoires et douloureux. Entre détresse de la perte de son meilleur ami et fureur encore incomprise, elle ne sortait de son dortoir que pour aller en cours et dans la Grande Salle.

Alors, quand elle vit Lysander fondre sur elle à la sortie des cours, elle fut à peine surprise et son visage déjà peu rayonnant afficha l’air d’un fauve sur la défensive. Si elle frissonna et se sentit toute petite sous l’aura écrasante et la fureur glaciale du Serpentard, elle n’en montra rien et répondit aux menaces silencieuses de Lysander par de même regards appuyés et noirs. Aussi intimidée était-elle, tout de même, elle aussi lui en voulait, et au même sujet. C’était en partie sa faute, tout ça ; mais elle ne pouvait pas non plus l’en blâmer, après tout, s’il n’avait rien dit, Matthew en serait encore à ignorer la nature exacte de ses réactions face à sa jumelle et continuerait d’accrocher à son tableau de chasse d’autres filles qu’il n’aimerait jamais de sentiments réels et sincères. La situation était simplement inextricable à cause des sentiments réels de Matthew ; seulement, il était tellement plus simple et soulageant de reporter la faute et donc sa colère sur le dos de celui qui avait tout déclenché.

Resserrant la prise sur son sac pendu à l’épaule, elle fit signe à Lysander qu’elle le suivait, ni avec mauvaise grâce mais pas non plus avec enthousiasme. Lui tournant le dos, il la mena un peu à l’écart de la foule, dans un coin du hall ; elle opta pour la solution du silence. Qu’il commence à parler ; elle avait le sentiment que tout ce qu’elle dirait, si jamais elle commençait, allait se retourner contre elle et elle ne comptait certainement pas se faire dominer par ce type devant lequel elle n’avait jamais su sur quel pied danser. Elle aussi était fière, et forte, elle n’allait pas se laisser accuser et avoir sur le dos tous les torts pour soulager le complexe de protection du Serpentard. Autant qu’il expose son point de vue tout de suite, que le brouillard se lève un peu.

Lysander fut agréablement surpris par la réaction de Lisbeth, il n’était pas d’humeur à essuyer des remarques désobligeantes mais constatait qu’elle avait de caractère pour ne pas s’écraser devant lui. Finalement, peut-être que le problème allait pouvoir se régler rapidement et proprement. Ils étaient dans un coin sombre et à l’écart, certains imbéciles pourraient croire que c’était pour un rendez-vous… Ou peut-être pour une dispute d’amoureux, ce qui était pire.
Le jeune homme toisa son interlocutrice un instant, histoire de finir d’asseoir son autorité. Quand il jugea le terrain favorable, il débuta.

« Tu as donc choisi le silence… C’est judicieux… Soit, j’expose les faits et tu réagis. »

* Et Avec un peu de chance, on poursuit les mêmes objectifs. *

Son regard, quoi que toujours glacial, se détendit un peu.

« Qu’est ce qui s’est passé Lisbeth ? Je me suis renseigné, on te dit intelligente, vive d’esprit même. Alors pourquoi n’as-tu pas vu Matthew sombrer dans l’abîme ? »

La question était lâchée, une question très importante pour le grand blond qui ne voyait que de réponses possibles : l’aveuglement ou l’égoïsme. Et si ni l’une ni l’autre n’étaient réjouissantes, la première était au moins excusable. Mais pas question de laisser sa proie se défiler, il allait orienter le débat.

« Je ne crois pas que tu sois assez égoïste pour t’être satisfaite de la situation telle qu’elle était : avoir un ami dévoué que tu pouvais manipuler à ta guise en jouant sur ses sentiments pour obtenir tout ce que tu voulais de lui n’est définitivement pas ton style. De toute façon, si je devais en arriver à cette conclusion, tu ne reverrais plus Matthew et je ferais en sorte qu’il te déteste suffisamment pour oublier qu’il t’a aimé un jour. Mais puisque ce n’est pas ça j’en déduis que tu as été aveugle mais pourquoi ? Au moins le tiers de l’école savait que Matthew était encore amoureux de toi ! Tu ne vas tout de même pas essayer de me faire croire que tu avais peur de la vérité ou que tu espérer que ça allait lui passer sans mal ? »

Il prit une pause le temps que ses mots s’impriment bien dans le cerveau de l’élève de Gryffondor.

« Parce que Matthew a fait du mal à d’autres filles, il t’a fait du mal à toi et il a fini par ce faire du mal à lui-même. A tel point que j’ai du le forcer à voir la vérité en face avant que vous ne vous perdiez l’un l’autre définitivement. Avec le résultat qu’on connait aujourd’hui. »

Lysander n’avait nul besoin de se justifier mais il voulait que Lisbeth ait tous les éléments en main pour répondre, car la moindre erreur pourrait avoir des conséquences plus que fâcheuses.

« Parle à présent je te prie, que nous puissions enfin nous attaquer au cœur du problème. Parce que plus que savoir pourquoi tu n’as pas réagis avant, c’est de savoir ce que tu comptes faire maintenant pour l’aider qui m’importe. Car si tu te prétends son amie… Que dis-je, sa sœur jumelle de cœur ! Tu vas évidemment tenter quelque chose pour l’aider. N’est ce pas ? »

Certes, son ton tenait plus de l’ordre que de la prière mais sa démarche n’en était pas moins sincère. La seule chose qu’il avait volontairement omis de préciser était sa propre souffrance. Mais il était Lysander De Cocytus, celui que rien ne peux atteindre. Et puis il n’était pas dupe, le simple fait qu’il soit là, devant elle, derrière un escalier, était un signe révélateur.

Je le savais

Je… Je m’en doutais. Les filles qu’il enchaînait et ses jeux de drague, c’était évident. Si je m’énervais, c’était uniquement parce que c’était trop… trop insistant. Je prenais… peur. Je ne veux pas ressortir avec lui. C’était génial, c’est vrai ! La plus importante de mes relations. Je l’ai aimé, mais… c’est du passé, cet amour là. Pour lui, je ne peux pas sortir avec lui sans sentiments. C’aurait été à sens unique, et il aurait eu beaucoup plus mal que maintenant…

Ne crois pas que je n’ai jamais essayé de lui faire sentir qu’il n’avait plus aucune chance avec moi. Je ne suis pas restée passive, je n’ai pas cherché à le manipuler juste pour me conforter dans l’idée que j’avais un ami qui me resterait toujours fidèle. Mais tu sais comme moi qu’il ne saisit pas bien la subtilité… et je ne pouvais pas m’éloigner de lui. De toute façon, si je l’avais fait, nous en serions au même point : tu serais là, devant moi, à me dire que tu ne comprends pas mon comportement parce que tu me penses intelligente et vive d’esprit, que tu t’appuies sur l’amitié qui nous lie, Matt’ et moi, et que tu cherchais à recoller les morceaux parce qu’il serait blessé à… se réconforter dans les bras de Patricia…

…Quant à savoir si je pensais que ça passerait… Non, je n’avais même pas un maigre espoir. J’oubliais simplement quand nous riions ensemble, et que nous étions comme d’habitude. Des amis. Comme avant. Je devais faire quoi, à part essayer de le détourner de cette idée ? Couper les ponts au risque qu’il fasse quelque chose d’impardonnable ? M’éloigner au risque de te voir débarquer pour me remonter les bretelles, pour me poser ces mêmes questions ? Au fond, on était déjà au point de non-retour.

Quant à ce que je compte faire… Oui, j’aimerais que Matthew aille mieux, j’en peux plus de le voir dans cet état. Mais je le connais : il fuira quand je l’approcherais pour lui parler, se braquerait quand je lui dirais que je ne veux pas qu’on ressorte ensemble, ne m’écouterait. J’ai toujours eu un peu plus de patience que lui. Tu le connais, non ? Et, à ce qui paraît, mieux que moi…

Lysander écouta tous les mots de Lisbeth avec attention et sa première impression fut une cruelle ironie : C’était donc ça la légendaire combativité des Gryffondors ? Mais ce sarcasme resta intérieur et se dissipa bien vite. En effet, quand il avait suggéré à Matthew de passer du temps avec Patricia pour se remonter le moral, il n’avait pas songé qu’il choisirait ce moyen là ! S’il ne s’était mis en devoir d’avoir l’air inébranlable, il se serrait fortement pincé l’arrête du nez en jurant par Merlin que son meilleur ami était parfois vraiment idiot. Mais le mal était fait et il allait falloir faire avec pour la suite des opérations.
Puis elle continua, livré, à nue… Bien d’autres qu’elle auraient été pathétiques à geindre de leurs malheurs mais elle dégageait une sorte de beauté fragile dans sa détresse. Peut-être sentait-il la profonde blessure dont elle souffrait. Il aurait voulu rebondir mais sa lenteur l’empêcha de couper la parole de la jeune fille avant qu’elle n’ait fini de sortir tout ce qui pesait sur son âme.
Que pouvait-il faire maintenant ? Lui, le brillant et cassant héritier des De Cocytus ! Il ne se sentait ni le droit ni la capacité de l’enfoncer encore plus dans son erreur. Et pourtant elle venait d’avouer… D’avouer qu’elle avait préféré fermer les yeux, attendre que ça passe en sachant pertinemment que ça ne ferait qu’empirer les choses mais, comme elle le disait elle-même, à demi mot, elle n’aurait pas su quoi faire pour éviter que les évènements ne se déroulent de cette manière. Puis Matthew ne lui pardonnerait pas une telle cruauté. Après avoir jeté un bref coup d’œil dans le couloir pour être sûr qu’on ne les observait pas, comme ça arrivait en de très rares occasions, il ouvrit de lui-même une brèche dans sa défense glacée et il tendit la main pour venir prendre doucement le menton de Lisbeth entre son pouce et son index et l’obliger, sans violence, à le regarder.

« Oui, je sais à quel point Matthew peut manquer de subtilité et à quel point cela nous complique la tâche quand on veut lui faire comprendre les choses en douceur, j’en ai pris mon parti et quand il faut, je le brusque ! Il râle, il tempête et se braque mais il fini toujours par revenir. Alors, commence donc par lui pardonner d’être parfois aussi con et souviens toi à l’avenir qu’il ne faut pas se sentir coupable de faire mal pour obtenir une guérison. Après tout, aucun enfant n’aime les piqures. »

Le visage du grand blond se fendit d’un sourire, le genre de sourire qu’il n’adressait en général qu’à Matthew quand ce dernier avait besoin d’être consolé.

« Je ne le connais pas mieux que toi tu sais. Je le connais sous un angle différent. Un point de vue qui me permet surement d’être plus dur et intransigeant que toi qui l’as fréquenté de la manière la plus intime qui soit. Et puis il ne s’agit pas là d’une compétition entre nous deux ! Nous avons un ami commun qui a besoin de nous pour aller mieux, il s’agit de trouver un moyen de travailler ensemble dans ce but. »

Il prit une courte pause.

« Quand à savoir si tes sentiments envers lui tiennent de l’amour, de l’amitié ou des liens de sang, ce n’est pas à moi d’en juger. Tu sauras interroger ton cœur mieux que moi et tu sembles déjà claire sur le chapitre. »

Voilà, le pas était franchi, l’élève de serpentard avait tracé la voie et il ne restait plus à la demoiselle qu’à la suivre pour qu’elle le rejoigne.

* Décidemment ! Je me montre bien faible et compatissant en ce moment, quelque chose en moi-même m’échappe et au plus j’y pense, au moins je vois ce que ça peut être. Certes Lisbeth jouit d’un statut particulier, mais ça n’explique pas que ma colère et ma dureté se soient envolées avec tant de facilité ! Il sera toujours temps d’y repenser plus tard, pour l’heure, il s’agit de Matthew. *

« Lisbeth, je n’ai jamais voulu être ton rival et encore moins ton ennemi. »

Pouvait-on être plus clair ?
Une fois encore, il préféra ne pas avouer qu’il était probablement à l’origine de cette erreur de parcours avec Patricia Patterson. Enfin, lui et les mœurs légères de la jeune fille sans doute. Il ne voulait pas avoir à gérer une soudaine monté de colère de la part de la demoiselle aux cheveux bruns alors qu’il allait obtenir sa coopération.

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