Qui joue avec la glace ne s'en tire pas toujours mieux qu'avec le feu...

Une épaisse couche de nuages noirs voilait complètement le ciel, on aurait pu se croire en pleine nuit alors qu’il était environ 16h 15. Les cieux grondaient haineusement et le lac noir n’avait jamais aussi bien porté son nom. Il n’y avait que Lysander pour braver l’orage et s’aventurer dehors. En effet, le jeune homme était en quête de solitude et de tranquillité pour se livrer à une expérience et rien de mieux pour réunir ces deux éléments qu’un violent orage d’été.
Donc, l’élève de Serpentard regrettait souvent de ne pas pouvoir avoir de rapière sur lui pour régler rapidement certains conflits. Aussi avait-il eu l’idée, peut-être un peu saugrenue de mettre au point une variante du sortilège de glaciation pour modeler des objets avec, des objets comme une rapière. Car, comme nombre de familles aristocratiques traditionnalistes, le famille De Cocytus mettait un point d’honneur à ce que ses représentant masculins sachent manier l’épée et Lysander, sans être un grand duelliste, s’entendait assez bien au maniement de cet instrument.
Après plusieurs semaines d’études et de recherches en enchantement et métamorphose, ou plutôt en transfiguration pour être précis, le grand blond jugea qu’il était temps de se livrer à quelques travaux pratiques. Il revêtit donc un épais manteau noir bordé de motifs cabalistiques d’argent et rehaussé de plumes d’oiseaux rares ainsi qu’une lourde cape à capuche tout aussi finement décorée, peut-être un peu chaude pour la saison, mais qui protègerait ses cheveux du mauvais temps, puis il sortit dans le parc du château.
Une fois arrivé à destination, il prit sa baguette et ferma les yeux pour réfléchir : il lui fallait choisir les bons mots et les bons gestes pour réussir son nouveau sortilège.

« Gelidus gladius »

Une tige de glace commença à se former devant lui mais elle commença à absorber toutes les gouttes de pluie qui tombait sur elle et à les figer. La tige d’épines glacées tomba au sol et se brisa en mille éclats.

* Oups, je ne me suis pas assez concentré. Bon, il n’y a plus qu’à recommencé, plus sérieusement cette fois. Dommage, la pluie risque de me gêner plus qu’autre chose finalement. *

Il fallu plus d’une heure à Lysander pour réussir à faire apparaître mieux qu’un bâton de glace d’un mètre de long. Et encore les difficultés ne faisait que commencer, il fallu qu’il se forge une image mentale assez nette pour faire apparaître une rapière de glace et pas n’importe qu’elle épée médiévale et puis, il y avait la solidité ! Ces premières créations se brisaient au moindre choc, les suivantes après à peine quelques coups. Et ce n’est finalement qu’après environ trois heures de travail qu’il réalisa sa première arme de glace digne de se nom. De la sueur perlait sur son noble front à cause de l’effort de concentration qu’il venait de fournir, il avait le souffle un peu court mais, phénomène au combien rare, un sourire ourlait son visage si souvent inexpressif.
Le jeune noble rangea sa baguette et pris sa création en main pour faire quelques mouvement avec : elle était légère et semblait chanter quand elle fendait l’air en réponse à ses coups de poignet. Il prit alors une pomme de pin au sol et la lança en l’air sans la perdre des yeux puis, d’un geste sûr, il la fendit en deux en plein vol avant d’inspecter la lame de son arme. Elle était intacte et vu le peu d’effort qu’il avait fourni, elle était effilée.

* Enfin ! Ça n’aura pas été sans mal, ça va demander encore deux ou trois semaines de travail, mais j’ai enfin obtenu un résultat concluant. Au moins avec ça, je n’aurais plus à en venir au moins aussi souvent avec les trublions de service, ça aura vite fait de les intimider. *

L’épéiste prit la pause, comme pour satisfaire les désirs d’un photographe invisible et vraisemblablement pour satisfaire son ego. Un éclair zébra le ciel et le tonnerre roula rageusement dans tout le parc. Une fois le calme revenu, un bruit inhabituel vînt se superposé aux clapotis des gouttes d’eau. Lysander ne réagit pas immédiatement, il se contenta de se remettre bien droit, sa création toujours à la main.

* Qu’est ce que ça peut être ? *

Il se tourna lentement en direction du bruit non identifié.

Ce bruit non identifié, c’était Matthew qui venait de se casser la figure. Pas qu’il soie particulièrement maladroit, mais il n’était pas très à l’aise sur les terrains glissants. L’herbe mouillée cachait une légère couche de boue sur laquelle il avait dérapé. Il était donc à moitié couché dans la boue, sa cape maintenant détrempée et sale. Fort heureusement, ses cheveux n’avaient rien grâce à sa capuche restée en place. Un peu difficilement, il se releva et passa une main sur son coccyx endolori. Puis, il fit un geste de la main à Lysander. Il n’avait aucune envie de se faire embrocher par un pic en glace !

-Salut ! C’est joli ton… Ta… Euh… Ce que tu as fait.

Le Gryffondor aurait voulu donner un nom précis, mais s’en était trouvé incapable. Ce n’était pas une simple épée, il le savait. Mais laquelle, il l’ignorait ! En grognant un peu, il se cambra légèrement en arrière, avant de se redresser. Jamais il n’aurait cru que le sol serait si dur !

-Excuse, j’ai glissé et ça fait un mal de chien. Explique-moi un peu ce que c’est, et à quoi ça va te servir. On n’est plus vraiment au Moyen-Age…

Matthew connaissait toujours peu ce qu’il se passait dans la noblesse sorcière. Après tout, il vivait chez les moldus et sa famille était de la classe moyenne. Aussi, il avait du mal à comprendre l’utilité d’une épée.

-Comment tu peux passer tellement de temps sous la pluie ? Moi j’ai horreur de ça !

En se rendant compte qu’il s’agissait là de son ami Matthew, Lysander se relâcha tout à coup et un sourire franc apparut sur son visage. Il se gratta la nuque, juste à la naissance des cheveux, l’air légèrement embarrassé.

« Matthew, Matthew… Regarde moi dans quel état tu t’es mis. Des fois, je me demande comment tu fais pour avoir autant de succès auprès des demoiselles ? Ton naturel j’imagine. »

Pour une fois, son ton n’avait rien de monocorde, au contraire, il était plutôt enjoué. Il arriva trop tard pour aider le jeune homme à se redresser mais, puisque la question lui avait été posée, il lui montra sa rapière de glace.

« Ceci est une rapière Mat’… C’est une arme de la renaissance, pas du moyen-âge. C’est en outre un symbole de noblesse mais aussi une arme redoutable, rapide et élégante. »

Il prit une courte pause.

« Comme tu peux le voir, celle-ci est entièrement en glace, je viens de la créer par magie. Il m’a fallu presque une demi-journée pour y arriver mais je suis assez fier du résultat. Avec de l’entrainement, je devrais y arriver instantanément. Par tradition, tous les De Cocytus sont formés au maniement de cette arme, alors autant pouvoir en avoir une sous la main rapidement en cas de conflit. La simple vue d’une arme de cette taille sera suffisante pour faire fuir les moins courageux j’imagine… Et les téméraires auront affaire à forte partie. »

Mais le Serpentard n’était pas là pour donner un cours, surtout pas à un ami de longue date comme le Gryffondor. Il planta donc son arme dans le sol en se disant qu’il allait estimer combien de temps il lui faudrait pour fondre.

« Tu sais Mat’, c’est justement parce que les gens n’aiment pas aller sous l’orage que je suis sorti aujourd’hui. J’étais sûr de n’être dérangé par personne, sauf en cas d’urgence ou si la dite personne avait vraiment envie de me voir. Et Puis… »

Il leva les yeux vers le ciel, les gouttent commencèrent à masser ses joues et son front en douceur.

« … La pluie lave le monde ! De sa crasse, mais aussi de sa laideur et de ses péchés. Tout est beau et pur après la pluie. Alors pourquoi ne pas passer du temps sous la pluie et la laisser nous purifier nous aussi, les humains, sorciers comme moldus ? Je crois que si l’on consacrait un peu plus de temps à des choses aussi simple et un peu moins aux jeux de pouvoirs et aux guerres fraticides, le monde ne s’en porterait que mieux, non ? »

Le grand blond donna une petite tape dans le dos de son confident avec un ricanement ironique pour lui-même.

« Mais assez parlé de moi et de mes lubies de philosophe ! Comment vas-tu, toi ? T’es célibataire en ce moment ? Et les nouvelles de Lisbeth ? »

-Ah ouais, ok...

Fit Matthew qui, malgré les explications de Lysander, ne semblait pas convaincu. Où était l'intérêt de se servir d'une rapière de la renaissance, aussi classe cela soit-il, quand on pouvait terrasser son adversaire d'un coup de baguette magique. Non sans un léger soupir, il songea que sans doute seuls les sorciers pure souche pouvaient comprendre cela. Mais quand son ami parti dans un délire philosophique, il ne put s'empêcher de hausser un sourcil. Il était vraiment bizarre, des fois...

-Moi, ce que je sais, c'est que la pluie c'est froid et que mes cheveux mettent un temps fou à sécher.

La tape qu'il reçut dans le dos fit sourire le Gryffondor qui répliqua par un léger coup de poing sur l'épaule. Sans doute le Serpentard n'avait-il rien senti, ou presque. La vague de questions lui arracha un léger soupir découragé. Il fallait dire que les nouvelles n'étaient pas très bonnes, pour le moment!

-Je me suis fait plaquer par... Euh... Ah, ouais! Julie. Elle était super jalouse de Lizzie. Je lui ai bien expliqué que je faisais ça juste parce que ça l'ennuyait, mais Ju' n'a rien voulu entendre, elle s'est mise à hurler qu'elle ne supportait pas qu'on la trompe. Et pour Lisbeth... Elle m'a encore appelé Matthew. Je me demande pourquoi je continue de la draguer, en fait... J'aime bien l'ennuyer avec ça, mais bon...

Matthew lâcha un long soupir. Il avait horreur que Lizzie l'appelle par son prénom. Ca voulait dire qu'il avait réussit à la contrarier.

Le sourire de Lysander se tordit dans une grimace à la fois réprobatrice et attristée. Bien que d’un naturel glacial, le sort de Matthew importait au jeune homme bien plus qu’il n’oserait l’avouer. Il se pencha sur son ami et passa un bras autour de ses épaules.

« Comment veux-tu que ça marche si son prénom ne te viens pas naturellement ? »

Il leva les yeux au ciel et soupira à son tour.

« En même temps, tu as peut-être raison. J’ai vécu mes dernières histoire en espérant être tombé sur la bonne et il faut voir dans quel état tu as du me ramasser à chaque fois. »

Il repensa alors à sa dernière aventure en particulier, avec une élève de serpentard bien sous tout rapport mais peut-être un peu trop dans le moule des gens de sa maison. Aussi avait-elle fini par trahir Lysander par intérêt, ce qui ne fit qu’épaissir encore le mur de glace qu’il apposait entre lui et les autres.

* Je ne nie pas tout le bien qu’à pu faire Matthew dans ma vie, ne serait-ce qu’en me rendant moins coincé et en m’apprenant de nombreuses choses de son monde mais j’avoue volontiers que je l’envie. J’aimerai aussi avoir ma Lizzie bien à moi ! Quoi que, si ça pouvait être moins compliqué et orageux qu’entre eux deux… Bref, ça manque de fille dans mon entourage en ce moment ! *

« Quand à Lizzie, ne t’inquiète pas. Elle finira par se calmer comme toujours. Elle t’aime bien trop pour te faire de la peine trop longtemps. Honnêtement tu as de la chance de l’avoir trouvée, je ne comprends pas comment tu as pu te lasser d’elle. »

C’était un fait : Matthew et Lisbeth formait un couple pour ainsi parfait, Chacun complétant l’autre à merveille. Mais les élans du cœur du jeune homme étaient ainsi faits et il semblait incapable d’avoir une relation suivie. Au grand regret du grand blond qui aurait bien moins de travail extra scolaire si sont meilleur ami n’était pas toujours entre deux conquêtes.

« Je sais ce que tu vas me dire : que si elle me plait tant je n’ai qu’à en faire ma petite amie ! Mais elle n’est pas faite pour moi et nous le savons tous les deux. Enfin, tout ça pour te dire que ça ne peut qu’aller mieux maintenant. »

L’élève de Serpentard pencha la tête en avant pour capter le regard de son interlocuteur.

« Et puis, peut-être aussi que si tu arrêter de lui servir tout le temps la même plaisanterie elle se fâcherait moins souvent après toi ? Qu’en penses-tu, grand gamin ? »

Verdict sans appel ! Plus de mauvaise blague, plus de dispute ! D’un autre côté, Matthew sans son humour et sa joie de vivre ne serait plus le Matthew que tout le monde connaissait.

-Je ne comprends pas non plus...

Soupira Matthew. Il est vrai que quelques fois, il regrettait un peu d'avoir quitté Lisbeth. Depuis elle, il ne s'était plus senti bien avec la moindre fille. C'était d'ailleurs pour ça qu'il les enchaînait, au point de s'emmêler dans les noms. Il faudrait peut-être qu'il se calme un peu... Oh, mais pourquoi s'en faisait-il?! C'était du passé! Secouant vivement la tête pour se remettre les idées en place, il ouvrit la bouche pour dire quelque chose mais Lysander le devança. En effet, il allait le lui dire.

-Je sais, je sais... Il faudrait que je plaisante moins, mais elle va finir par croire que je déprime.

Soupira le Gryffondor. C'était sans issue, concernant Lizzie.

-Hum... Je sais bien qu'elle finira par se calmer. Quant à cette Julie, de toute manière, c'est une pouffiasse sans cervelle. Et puis... Je n'étais même pas vraiment heureux avec elle... Enfin, tu me connais! Mais toi? Comment ça se passe? Toujours personne?

Demanda Matthew, désireux de changer de sujet. Il n'avait pas envie de s'attarder sur ce qu'il ressentait. Après tout, il n'y avait jamais prêté attention et il avait intérêt à ne pas commencer sinon il ne s'en sortirait plus. Un jour, peut-être?

-Si tu veux, je peux t'arranger un rencard! Voire même plusieurs, je suis en bons termes avec la plupart de mes exs et les filles, ce n'est pas ce qui manque!

L’anguille sort de son trou, file glisse et s’évade ! Et en retournant la situation s’il vous plait ! Et bien soit, il n’était que justice que ce soit au tour de Lysander d’être soumis à la question.

« Des filles c’est pas ce qui manque mais LA fille, elle est unique. Et j’aimerais autant la trouver avant que ma famille ne m’impose une greluche avec une bonne situation, un bon pédigrée et surtout, pas l’ombre d’un embryon de personnalité. »

Il se mit à ricaner, pensant que finalement, son père avait eu beaucoup de chance et qu’il serait profondément injuste quelque part que lui-même ne finisse pas par trouver chaussure à son pieds malgré le carcan des us et coutumes.

« Et puis toi, tu n’as pas à gérer le fait que la moindre de tes relation puisse être sévèrement surveillée par une famille étouffante, dont les codes et les traditions pèsent encore aussi lourd qu’une noria sur les épaule d’un âne. »

L’adolescent emmena son ami sous un arbre et s’assis sur une souche afin de reposer ses jambes. Il bailla, un peu fatiguer par ses expérimentations.

« Donc ma vie sentimentale est vide en ce moment. Surtout que depuis Carole, je crois que ne n’ai pas encore récupéré toute ma confiance pour le beau sexe. Cependant… »

Il marqua tout de même une pause, se demandant s’il n’était pas un peu tôt pour parler de ça. Mais finalement, il décida de lâcher le morceau, comme on disait vulgairement.

« Cependant, cela ne veut pas dire qu’il n’y a aucune fille dans ma vie. Dans ta maison par exemple, il y a cette fille là, Gloss Joke. Elle n’est pas particulièrement à mon goût mais y a un truc étrange chez elle et je n’arrive pas à comprendre quoi, ce qui me fascine et m’agace en même temps. Et dans ma maison il y en a une aussi Cassandre Jézabel Slyfeld… Joli nom, il sonne bien. Mais la fille est étrange et borgne ! Ça ne gâche rien en soit, mais c’est tout de même déconcertant. En Fait, je n’arrive pas à la jauger et tu sais bien que je ne m’aventure pas sur un terrain que je n’ai pas analysé en détail. »

Voilà, c’était lâché ! Lysander n’était pas infaillible et il le savait mais de là à l’admettre ! Il ne pouvait le faire que parce qu’il s’agissait de Matthew.

« Enfin voilà. Pour l’instant c’est célibataire et heureux. On ne recherche pas la même chose en amour, c’est ce qui nous permet d’en parler avec autant de liberté à l’autre en même temps. »

Il regarda les nuages noirs au travers du feuillage de l’arbre.

« C’est aussi pour ça que je peux me permettre de te dire que si tu ne fais pas attention, ta prochaine pouffiasse pourrait chercher à se venger et réussir à te faire du mal, beaucoup de mal. Et personnellement, je ne tiens pas à te ramasser à la petite cuillère. Je le ferai, ce n’est pas la question et puis je te vengerai après, avec ou sans ton accord, parce qu’on ne touche pas à mes amis. Mais je persiste, je n’y tiens pas. »

-Je sais bien, Lysander. Mais, crois-moi, ma relation avec les demoiselles est bien plus compliquée qu'il n'y paraît. Quant à LA fille, je te comprends. Plus que tu ne pourrais le croire.

Matthew ne put s'empêcher de soupirer légèrement. Il n'aimait pas vraiment cette réputation de dragueur qu'il avait. Son but n'était pas de séduire le plus de jeunes femmes possible, loin de là! S'il avait pu, il n'en aurait dragué qu'une seule et se serait arrêté là. Mais ça, personne ne le savait, pas même son confident et sa meilleure amie. Il ne voulait pas leur montrer cette facette de lui. Il trouvait ça trop sentimental. Glissant sa main dans son capuchon, il remit une longue mèche bleue derrière son oreille en songeant à reprendre la parole. Il avait horreur du silence. Mais son ami le devança en se remettant à parler, lui faisant la morale par la même occasion. Il savait que c'était pour son bien, mais il avait quand même horreur de ça.

-Ecoute... Comment une fille pourrait-elle me faire du mal? Je me moque de leurs mesquineries comme d'une chaussette sale. Il n'y a que toi et Lizzie qui me connaissiez vraiment. Et il y a des choses qu'absolument personne ne sait à mon sujet. Un jour, je t'en parlerais, biensûr. De plus, je met un point d'honneur à faire tout mon possible pour quitter les filles en bons termes. Quant à ce que je recherche en amour, tu n'en sais rien.

Cela faisait partie de son côté sentimental qu'il refusait d'aborder. Mais il fallait changer de sujet, maintenant. Sans quoi il pourrait bien finir par s'emporter et ce serait regrettable.

-Pour Gloss Joke... Je peux peut-être m'arranger pour que vous fassiez un peu connaissance, sans vraiment parler de rencard. Et Cassandre... Elle me dit quelque chose. Je pense que j'ai dû lui parler une fois. C'est peut-être elle que j'ai renversée dans un couloir. Je ne sais plus.

A nouveau, Matthew soupira. Il enviait Lysander d'être heureux. Oh, pas qu'il se sente malheureux, non! Mais il avait l'impression qu'il lui manquait quelque chose. De plus, savoir Lizzie en rogne contre lui n'améliorait pas les choses. Comme toujours, elle se calmerait, lui pardonnerait et tout reprendrait comme avant. Mais pourquoi avait-il cette fâcheuse impression qu'elle restait plus longtemps fâchée?

~ Quand à ce que je recherche en amour, tu n’en sais rien ! ~

Voilà une simple phrase tout à fait anodine mais pour autant lourde de sens. Il y avait donc des choses que Matthew voulais cacher ? Enfin, des choses qu’il parvenait à cacher à l’œil expert de Lysander ! Soit, il avait droit à son jardin secret même vis-à-vis de son meilleur ami. Autant le laisser changer de sujet sans rechigner. Il conclut simplement.

« Evidemment, on cherche tout les deux le bonheur. C’est juste notre définition qui est différente au départ. »

Arranger un rendez-vous avec Gloss ? Voilà qui serait cocasse ! Mais non, ça serait trop compliqué d’une part et d’autre part, l’éloigner d’Erwan, de Râh et de son frère équivalait à provoquer une tempête pour rien. De plus, Lysander ne serait pas de taille pour affronter les trois jeunes gens ensemble. Non, s’il voulait la rencontrer, il devrait le faire sur son terrain. Mais voulait-il vraiment la rencontrer ? A priori, non. Il voulait juste savoir ce qui le perturbait tant dans ses yeux.

« J’avoue que Cassandre m’intéresse plus que Gloss. Pas qu’elle soit de ma classe ou de ma maison, non. Elle est juste plus à mon goût, je préfère les blondes. »

Il s’arrêta un instant et se mit à rire.

« Voilà que je parle de mes goûts en matière de fille ! Ce n’est pas un secret à vrai dire : J’aime les filles blondes, minces et avec des yeux clairs. Avec une poitrine généreuse de préférence. C’est d’un banal affligeant n’est-ce pas ? Surtout que le physique ne fait pas tout, loin de là. A quoi bon avoir la beauté si on a la tête vide et de l’eau à la place du sang ? »

Une question intéressante assaillit alors l’esprit de l’élève de Serpentard, une question à laquelle il espérait que Matthew répondrait avec sincérité.

«Dis-moi Matt’. Si tu tombais sur la fille parfaite : Qui rit à tes plaisanteries, qui te fait rire, qui est tendre quand tu en as besoin mais qui te pousse aussi quand il le faut, intelligente et vive d’esprit. Qui partage tes passions en te laissant assez de liberté pour ne pas t’étouffer. Allez, poussons le vice en allant jusqu’à dire qu’elle te satisfait parfaitement sexuellement. Mais voilà, tu la trouves moche. Est-ce que tu sors avec elle et, puisqu’elle est parfaite, est-ce que tu l’épouses ?

Le pavé venait d’être lancé dans la mare, il ne restait plus qu’à attendre de voir les vaguelettes. Le jeune homme épouserait une telle femme sans l’ombre d’un doute mais rare sont ceux qui savent passer outre l’apparence.

Non, ce n'était pas leur définition qui était différente. C'était juste leur méthode. Lysander, lui, attendait de voir sa demoiselle idéale arriver. Matthew, lui, la cherchait activement. Trop activement diraient certains, mais il ne supportait pas de rester avec une fille auprès de qui il ne se sentait pas heureux. Beaucoup l'auraient invité à prendre patience, mais il en était incapable.

-Il est vrai que, moi aussi, je préfère une fille moins jolie mais avec un peu de plomb dans la cervelle plutôt qu'un mannequin écervelé. Cela, nous l'avons en commun.

Quoi d'étonnant là-dedans? Il ne connaissait aucun mec qui préfèrerait le mannequin. Enfin, dans le cas d'une histoire sérieuse! Si c'était juste pour ajouter un nom sur une liste de conquêtes, autant prendre la fille stupide. Lysander était parfois bizarre, et le Gryffondor le savait depuis longtemps. Mais sur ce coup-là, il lui fit de grands yeux étonnés. Avait-il bien compris la question? Se mordillant la lèvre inférieure, il redressa la tête puis soupira sa réponse.

-Honnêtement... Je ne sais pas. Il faudrait que je la rencontre, cette fille parfaite... Mais si je l'aime sincèrement, que je suis vraiment heureux avec elle, alors qu'est-ce que j'en ai à faire, de son physique? Bon, je n'irais pas jusqu'à dire que j'épouserais une harpie, hein? Tant qu'elle est normale, je peux t'assurer que je l'épouse sur-le-champ. Maintenant, si je la trouve moche au point qu'elle me répugne... Sans doute que je ne saurais pas regarder au-delà... Je ne suis qu'un homme!

Matthew ne l'avouerait sans doute jamais, mais l'image qu'il avait de lui-même venait d'en prendre un coup. Et un grand. Il s'était découvert presque incapable de voir au-delà du physique. Et cela ne lui plaisait vraiment pas. Sans s'en rendre compte, il avait baissé la tête et quelques longues mèches bleu ciel avaient glissé de sa capuche. De plus, quand Lysander lui avait parlé de la fille parfaite et fait sa description, il avait pensé à Lizzie. Mais ils s'étaient quittés, c'était du passé. A ce qu'il sache, elle était la seule qui l'aie marqué comme cela. Et c'était avec elle qu'il était resté le plus longtemps, aussi.

-De toute manière, la fille parfaite n'existe pas. Ca règle ta question.
Répliqua sèchement le Gryffondor. Fin de la discussion. Changement de sujet, encore?

-J'ai l'impression que Lizzie reste fâchée de plus en plus longtemps contre moi. Avant, ça ne durait pas une journée. Mais maintenant, ça tourne plus d'un jour ou deux, il me semble. Enfin, elle reste pas vraiment vraiment fâchée, mais je sens qu'elle m'en veut.

Peut-être insistait-il trop? Il faudrait qu'il essaye de la lâcher un peu.

Une réponse parfaitement honnête, Lysander ne pouvait en espérer de meilleure. Il posa la main sur l’épaule de son ami et lui fit relever la tête à l’aide de l’autre avant de lui offrir un sourire réconfortant.

« Il n’y a aucune honte à être humain tu sais Matthew. Si je devais noter ta réponse, je dirais en tout honnêteté : Optimal. Tu dois croire que je te torture mais je peux te promettre que je ne fais tout ça que pour t’aider… »

* Pour que tu réalise que cette fille là, tu la connais peut être déjà ! D’ailleurs, tu passes de la fille parfaite à Lizzie sans te rendre compte que ça ne change pas pour autant le sujet de la conversation. *

Le jeune homme aurait voulu ajouter ses derniers mots à haute voix mais il ne put s’y résoudre. Il sentait que son ami était éprouvé et ne voulait pas l’affliger d’avantage. Certaines choses prennent du temps, en particulier les plus importantes.

« Tu sais, c’est un peu comme manger toujours la même chose : au bout d’un moment tu n’en peux plus, tu mets de plus en plus de temps à finir ton assiette et tu fais une crise de nerfs dès que tu vois le plat passer. Et bien, Elisabeth est tout simplement en train de saturer. Elle est bien avec toi, elle t’aime énormément. »

* Peut-être même qu’elle t’aime tout court. *

« Mais elle en a assez de supporter toujours le même numéro. Arrête dont de l’embêter avec ça ! Si tu veux la tourmenter il y a mille autres moyens. »

Pas que l’élève de Serpentard n’encourage vraiment son amie à tourmenter la jeune fille mais il fallait que son jeu cesse un moment s’il ne voulait pas risquer de la perdre pour de bon cette fois. Car Lysander connaissait bien le phénomène de point de rupture, il fonctionnait comme ça lui-même : rien ne semblait l’atteindre, il ne réagissait pas et pardonnait jusqu’au moment de l’explosion ! Là, il devenait désespérance glacée ou blizzard meurtrier suivant la situation mais cela était toujours terrible, pour lui ou son entourage.

« Tu verras, après une petite pause tu pourras recommencer à plaisanter en faisant semblant de lui faire la cours et elle ne se fâchera plus aussi violemment que maintenant. Tu dois apprendre les vertus de la patience mon ami… Je sais, c’est chiant comme tu dis si élégamment ! »

* Et moi aussi, je devrais essayer de plus improviser et de prendre plus souvent et plus rapidement part à l’action. Je suis lucide même si je ne peux pas me permettre de l’admettre. C’est pour ça que j’ai besoin de toi, parce que toi tu es capable de me faire bouger. *

Il pressa un peu plus sa main sur l’épaule de son ami et accentua son sourire.

« Tu es un mec bien Matthew, je ne m’inquiète pas pour toi. Je sais que tu n’as jamais voulu lui faire du mal. Alors je voudrais te faire promettre quelque chose… »

Il prit une grande inspiration.

« Promets-moi de ne pas oublier cette conversation et d’y repenser de temps en temps, au calme. »

Matthew se laissa faire quand la main froide de son ami vint lui relever la tête. Lui adressant un léger sourire, il songea que vu de loin ce devait être assez ambigu à voir. Deux personnes encapuchonnées, très près l'une de l'autre. Cependant, quand Lysander lui annonça que c'était pour l'aider, il ne put s'empêcher d'hausser un sourcil. Ah ouais, vraiment? En essayant de démolir son ego? Pas très efficace, son aide hein... M'enfin, si ça faisait plaisir au Serpentard de le faire réfléchir à toute allure...

-Je sais... Mais ça viens tout seul, je te le jure! J'ai l'impression que je suis incappable de me comporter autrement.

Comme toujours en présence d'une jolie fille, songea-t-il avec un long soupir. Lizzie était jolie, c'était un fait. Comment pouvait-elle avoir si peu de succès auprès des garçons? Ah, oui, elle était farouche. Dommage pour elle. Sinon, elle aurait sans doute toute une cour à ses pieds. Même s'il n'en avait pas vraiment envie et qu'il commençait à en avoir assez, il écouta son ami jusqu'au bout. Mais il ne comprit pas pourquoi il tenait à ce qu'il repense à cette conversation. Y avait-il une moche raide dingue de lui, quelque part?

-Euh... Si ça peut te faire plaisir...
Répondit Matthew, hésitant un peu. Puis, alors qu'il remettait une mèche de cheveux en place, il s'exclama :

-Ah, la poisse! J'ai les cheveux qui commencent à friser! Je rentre, tu viens?

Proposa-t-il à Lysander, peu désireux de rentrer seul sous la pluie battante qui n'avait pas l'air de s'atténuer. Il faudrait qu'il refasse ce maudit sortilège pour lisser les cheveux. A moins qu'il ne défrise pour le lendemain? Ca l'arrangerait mieux. Ses condisciples avaient tendance à le charrier en disant qu'à force de sortir avec autant de filles, il faisait comme elles.

Houlà, Matthew entrait en mode OFF, les informations allaient avoir du mal à entrer. Peu importait, l’essentiel devait déjà être entré, du moins il l’espérait. D’un autre côté, Lysander comprenait parfaitement que ce genre de conversations puissent être embarrassantes, surtout avec son don assez limiter pour le réconfort. Certes, il savait faire réfléchir les gens, ce qui pouvait les réconforter quand il les amenait là où ils en avaient besoin mais faire simplement preuve de compassion et de tendresse n’était vraiment pas son fort.

« Pas facile de refreiner sa nature n’est ce pas ? Tu comprends mon calvaire de tous les jours quand j’essaie d’être un peu moins froid et distant avec les gens. Mais, grâce à des gens bien, comme toi, je progresse un peu tous les jours. »

Le jeune homme eut un sourire compatissant. Son ami n’avait pas besoin de savoir pourquoi il devait repenser à leur conversation de temps en temps, il s’en rendrait compte le moment venu et tout serait clair. Du moins, c’est ce qu’espérait l’élève de Serpentard.
Puis le Gryffondor commença à se plaindre de ses cheveux et il ne put s’empêcher de rire.

« Maudits cheveux hin ? C’est vrai que les frisures ne te vont pas. Il va te falloir un bon shampoing ou un petit sortilège. Moi, mon expérience ici est fini de toutes façons et je suppose que je vais devoir travailler un ou deux trucs si je veux être à jour dans toutes mes affaires. J’espère que votre maudit fantôme ne viendra pas nous emmerder ce soir. Allez, en route ! »

Il se leva de sa vieille souche et épousseta sa cape de sorcier consciencieusement avant de se diriger vers le château d’un pas élégant.